Comment gérer la croissance d’une PME?
Une conjoncture favorable
Après dix ans de crise, les PME de l’industrie soufflent un peu et les chefs d’entreprises sont de nouveau optimistes quant à leur avenir. Les carnets de commandes se sont regarnis, les investissements ont pu reprendre. Et après une année 2017 de reprise soutenue, l’année 2018 promet encore de belles progressions. En sortie de crise, et à fortiori pour celles de longue durée, de nombreux acteurs ont disparu, la prime est donc aux survivants qui ont réussi à s’adapter et aux nouveaux entrants qui profitent pleinement du regain d’activité.
Différence culturelle et structurelle
A la différence des grandes entreprises et des ETI pour lesquelles elle est une condition de survie, la croissance n’est pas toujours dans l’ADN des PME. En effet, dans une enquête parue en 2016, 70% des dirigeants de PME déclarent ne pas la rechercher et les 30% restants n’ont pas toujours les moyens de la structurer. Cette posture très française des dirigeants de PME est en partie expliquée par les effets de seuils et le lot de contrariétés qu’ils imposent. A cela s’ajoute la difficulté structurelle de dégager du temps pour le dirigeant et son équipe dans une organisation toute entière dédiée à l’exploitation. Ainsi, on comprend mieux les difficultés que peuvent rencontrer les PME à assumer une croissance rapide et la transformer en croissance durable.
De l’euphorie à la dépression
Boosté par l’euphorie de cette reprise, une conjoncture favorable et des efforts commerciaux (enfin) couronnés de succès, tout s’accélère pour le dirigeant. Plus motivé que jamais, il fait feu de tous bois pour faire face à cet afflux d’activité. Mais si son organisation n’évolue pas en cohérence il est rapidement submergé, les délais ne sont plus tenus, la qualité se détériore, la trésorerie se tend, les équipes surchargées s’épuisent, se démotivent et le recrutement devient problématique…Voilà le dirigeant propulsé dans le monde merveilleux des entreprises en croissance rapide. Si la croissance a été mal anticipée, ce scénario porteur d’espoir de développement peut s’avérer catastrophique et conduire à la défaillance de l’entreprise. Il est donc nécessaire de réagir dès les premiers signes de surchauffe pour se prémunir de ses effets pervers.
La croissance se pilote
Rien de plus grisant que de voir son carnet de commandes s’envoler surtout après une période de vaches maigres. Mais attention, pour les 30% « d’inconscients » qui osent la croissance il faut savoir détecter et traiter convenablement les signes avant-coureurs pour éviter les écueils qui pourraient les mener tout droit à la cessation de paiement. La croissance se pilote. Et piloter la croissance c’est avant tout gérer des problèmes humains. Sans minimiser les problématiques techniques et financières qu’il est nécessaire de traiter, elles sont souvent la conséquence de problèmes d’organisation et d’anticipation. Dans cette phase, le dirigeant encourt deux risques, ne pas faire évoluer son organisation suffisamment vite ou au contraire rapidement la transformer en multinationale pléthorique. Dans un cas comme dans l’autre, le naufrage n’est pas loin.
Piloter la croissance = piloter le changement
Une problématique d’équilibre à gérer entre le trop et le pas assez, la croissance rapide doit s’accompagner d’évolutions dynamiques ajustées en permanence à la situation rencontrée. Cette phase nécessite une forte implication du dirigeant dans le pilotage du processus de changement quitte à délaisser, au moins un temps, son rôle opérationnel. Et c’est en effet la première des évolutions à opérer, celle du dirigeant. Une nécessaire prise de recul doit lui permettre de se repositionner dans l’entreprise et de maintenir une vision d’ensemble indispensable à l’évolution de sa société. A partir de cette position, le plus difficile est à suivre : faire évoluer sa structure, intégrer de nouvelles compétences, maintenir la culture d’entreprise et accompagner l’adaptation des collaborateurs historiques. Autant de sujets à mener de front avec des vitesses d’évolution différentes, des interactions, des obstacles tout en maintenant la cap avec les clients.
De la croissance rapide à la profitabilité durable
La croissance rapide induit donc une véritable conduite du changement et un pilotage adapté pour qu’elle ne se résume pas à un coup de chaud et qu’elle s’installe durablement pour une profitabilité sur le long terme. Dans ce contexte l’isolement est le pire ennemi. Se faire accompagner dès les premiers signes de surchauffe est indispensable. Car se mettre dans une situation d’urgence inconfortable ajoutera à la problématique un risque supplémentaire évitable. Par conséquent, pour faire rimer croissance rapide avec profitabilité durable, la transformation pilotée de l’organisation de l’entreprise est la clef du succès.
Arnaud DUBOC